L’ENSTIB, par l’intermédiaire de William Sayer, responsable informatique, a organisé une journée entièrement dédiée à l’Intelligence Artificielle dans son amphithéâtre Philippe Séguin, réunissant entre 60 et 80 participants sur place et une cinquantaine à distance. Tout au long de la journée, huit intervenants ont pris la parole pour explorer les multiples facettes de l’IA : son fonctionnement, ses usages, les risques associés, ses implications éthiques et son impact environnemental. Un panorama complet, entre explication technique, réflexions de fond et retours d’expériences.

Un mot de bienvenue… et de vigilance

Animée par Flavie Najean, responsable de la communication de L’ENSTIB, la rencontre a été ouverte par la lecture d’un mot d’accueil du directeur, Laurent Bléron, en déplacement ce jour-là. Dans son message, le directeur a rappelé que l’IA représente « un formidable outil » pour améliorer les conditions de travail, accélérer les processus et ouvrir de nouvelles perspectives. Mais il a également insisté sur la nécessité d’un usage raisonné, qui ne remplace ni l’esprit critique, ni la créativité humaine : « Il nous appartient de l’utiliser avec discernement. Car si ses potentialités sont immenses, son empreinte énergétique l’est tout autant. »
Les premiers pas avec l’IA générative

La première intervention, proposée par William Sayer et Christian Senet du Réseau Régional Centre Est (2RCE) des métiers des administrateurs systèmes et réseaux, a porté sur la formation à l’usage d’une IA générative. Ils ont expliqué l’importance de bien formuler ses demandes – le « prompting » – pour obtenir des réponses pertinentes, et attiré l’attention sur la conservation des données saisies dans les interfaces d’IA. Ils ont mis en garde contre le risque de divulgation d’informations sensibles ou confidentielles, notamment dans le cadre de travaux de recherche. La séance de travaux pratiques, partagée par les participants a également permis de découvrir Comparia, un outil gratuit développé par la start-up d’État compar:IA, intégrée au programme beta.gouv.fr de la Direction interministérielle du numérique. L’outil permet aux utilisateurs de comparer à l’aveugle les réponses de différents modèles d’intelligence artificielle conversationnelle en français, favorisant ainsi une sensibilisation aux enjeux de l’IA générative, tels que les biais et l’impact environnemental.
Données personnelles : prudence et cadre légal

La question des données personnelles a ensuite été abordée par Émilie Masson, déléguée à la protection des données adjointe à l’INRIA. Elle accompagne les projets de recherche impliquant le traitement de données personnelles, et a présenté les règles fondamentales à respecter dans ce domaine. Son intervention a permis de mieux comprendre les responsabilités légales et éthiques liées à la mise en œuvre de systèmes d’IA, en particulier dans les établissements de recherche et d’enseignement supérieur.
Éthique de l’IA : une approche humaniste

Après la pause déjeuner, la réflexion a pris une tournure plus philosophique avec l’intervention de Samuel Nowakowski, maître de conférences HDR à l’Université de Lorraine et chercheur au LORIA. Spécialiste des usages du web et de l’intelligence artificielle responsable, il a questionné la notion même d’« intelligence » dans les systèmes actuels. Selon lui, « l’IA ne fait rien d’autre que ce que les humains ont fait depuis toujours (…) et moi, humain, je dois toujours vérifier, comparer et sourcer les informations que l’IA me communique ». Il a insisté sur le fait que l’IA ne remplace ni la pensée, ni la connaissance, ni la capacité à comprendre, et a plaidé pour une approche humaniste et responsable du numérique.
Comprendre les fondations de l’IA

Jean-Paul Haton, professeur émérite à l’Université de Lorraine et membre de l’Institut Universitaire de France, a ensuite proposé une rétrospective de l’histoire de l’IA, en présentant les trois grandes familles de systèmes : symboliques, statistiques et neuronaux. Son intervention s’est appuyée sur des exemples concrets issus de la médecine, de l’industrie ou encore de la robotique. Il a mis en lumière les limites fondamentales des IA actuelles : « L’IA n’est pas dotée de la pensée et de la réflexion. Elle ne comprend pas. Ce ne sont que des statistiques. » Il a également évoqué les perspectives d’évolution, notamment avec l’essor des modèles génératifs dans notre quotidien.
Derrière l’IA, des statistiques

Même constat chez Cyril Regan, ingénieur de recherche CNRS contractuel au LORIA, qui a proposé une intervention « sans artifice ». Recruté dans le cadre du Plan National pour la Recherche en Intelligence Artificielle, il a pour mission de soutenir la recherche dans ce domaine. Il a dédramatisé l’IA, en rappelant qu’elle repose essentiellement sur des calculs statistiques et des réseaux de neurones artificiels. Pour lui, « l’IA aujourd’hui ? Le niveau zéro du raisonnement ». Il a conclu en présentant FIDLE, une plateforme de formation en deep learning développée par le CNRS.
Un impact environnemental encore sous-estimé

L’impact environnemental de l’IA a ensuite été exploré par Romain Serizel, maître de conférences à l’Université de Lorraine et chercheur au LORIA, spécialiste du traitement du son et de la parole. Il a expliqué que la performance des algorithmes d’IA, souvent mise en avant, s’accompagne d’une consommation énergétique élevée. Son intervention a mis en évidence le défi que représente l’optimisation énergétique et une utilisation raisonnée des systèmes d’IA, dans un contexte où les usages se multiplient.
Sur le terrain de l’Université de Lorraine

Enfin, Olivier Ziller, sous-directeur à la Direction du Numérique de l’Université de Lorraine et référent IA, a partagé un retour d’expérience très concret sur les expérimentations menées depuis février 2024 autour de l’IA générative. Ces expérimentations concernent des domaines variés, allant de la formation des étudiants en médecine à l’accompagnement des ressources humaines et des services informatiques. Il a présenté les premiers enseignements de ces démarches, ainsi que les perspectives envisagées pour 2025.

En croisant les regards techniques, juridiques, éthiques, énergétiques et pratiques, cette journée a permis d’éclairer les enjeux complexes liés à l’Intelligence Artificielle. Elle a également offert un espace de dialogue et de réflexion collective, dans un domaine en pleine transformation avec un fil rouge : ne pas se laisser griser par les promesses de la technologie, mais garder le cap d’un usage raisonné, utile et humain.
Merci aux intervenants et participants investis et attentifs et à bientôt pour de nouvelles rencontres éclairantes à l’ENSTIB.